Quand Robert Doisneau photographiait Saint-Véran

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1947, Saint-Véran a accueilli le célèbre photographe Robert Doisneau, et on lui doit de superbes clichés du village, et de la vie à cette époque à Saint-Véran.

"Quand le titi parisien se rend à Saint-Véran, dans le Queyras, en 1947 pour y réaliser un reportage, c’est à la demande de l’hebdomadaire Regards. Robert Doisneau ne fut pourtant ni le premier ni le dernier à promener son œil sur ce village devenu un terrain d’études réputé pour les ethnologues de la planète entière."

"À Saint-Véran (Hautes-Alpes), 2 040 mètres d’altitude, nul n’avait jamais vu ce reportage de Regards. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, cet hebdomadaire proche du Parti communiste français ne devait sans doute pas compter beaucoup de lecteurs dans le pays ! Ce n’est donc qu’en 2001 que les habitants en prendront connaissance, lors d’une nouvelle parution dans le magazine touristique Alpes Loisirs. Photos publiées sans le moindre mot de contextualisation, mais accompagnées d’un texte magnifique de Michel Serres sur la fin des gens de l’alpe. Aujourd’hui, il est hélas trop tard pour mieux documenter ces images car la plupart des personnes photographiées ont disparu et les quelques rares habitants, comme Joseph Brunet ou Pierre Marrou, capables de les commenter, ne furent que des témoins indirects des scènes croquées par Robert Doisneau. Juliette Brunet (épouse Faure), seize ans à l’époque, se souvient, quant à elle, de la séance de prise de vue dans la maison de sa grand-mère (pages 60 et 63) : « Il était venu chez nous pour boire une chopine de vin rouge ; elle est là, la chopine, sur la photo, vous voyez ?Alors, il buvait un p’tit canon et il discutait. Derrière moi en train de tricoter, c’était le lit de ma grand-mère et derrière, encore, les poules. Ma mère, elle avait voulu tirer le rideau pour cacher un peu. Mais Doisneau, il avait dit : Non, non, enlevez le rideau. Ben oui, il voulait voir. Les poules. Et les vaches ! C’est tellement beau, cette photo… »

Robert Doisneau ne fut pas le seul à photographier ces intérieurs si singuliers, comme en témoignent ces documents réalisés par les ethnologues depuis le début du siècle dernier. Du fondateur du Musée dauphinois, Hippolyte Müller, dans les années 1920, jusqu’à Charles Joisten dans les années 1980, en passant par les chercheurs du musée national des Arts et Traditions populaires, du Nordiska museet de Stockholm (Suède) ou encore du National Geographic, c’est un siècle de la vie d’un village en mutation entre monde rural et civilisation des loisirs qui est ainsi documenté.

Un cheminement à retrouver plus en détail dans le beau livre Les Alpes de Doisneau, parmi d’autres facettes inédites du grand photographe humaniste que tout le monde connaît (son fameux Baiser de l’hôtel de ville). Car l’originalité de ce projet, c’est de montrer, au travers du fil rouge de ce parcours alpin, que Robert Doisneau était aussi un photographe comme les autres qui s’essayait (et avec quel talent !) à tous les champs de son art : mode (pour le magazine Vogue) publicité (pour les automobiles Simca), reportage (au Tyrol ou en Haute-Savoie), industrie (à Ugine ou dans les laboratoires grenoblois ; voir le numéro 55 de L’Alpe), social (ateliers des biscuits Brun), poésie (dans ses images complices avec Maurice Baquet ; voir aussi le numéro 13 de L’Alpe), illustration (les bergers transhumants entre le Var et les Alpes-Maritimes). Sans parler du papa rigolo mettant en scène ses propres filles en vacances à Laffrey (Isère) et de «  l’ethnologue sans le savoir » qui œuvrait à Saint-Véran. En somme, avec la montagne pour décor, un Robert Doisneau «  comme vous ne l’avez jamais vu », toujours curieux de tout et ouvert sur le monde."

Extrait Alpes n°58 :

https://www.lalpe.com/lalpe-58-architectures-et-architectes/lalpe-58-les-alpes-de-doisneau/